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La didactique des langues-cultures face aux innovations technologiques : des comptes rendus d’expérimentation aux recherches sur les usages ordinaires des innovations
Publication exclusive pour le site www.christianpuren.com.
Première mise en ligne, juin 2016. Version du 24 avril 2018
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Présentation

L'article s'appuie sur un modèle connu en analyse économique, le "Hype Cycle" du Gartner Group, ou "représentation graphique de la maturité et de l’adoption des technologies et de leurs applications", qui décrit ainsi les différentes phases successives par lesquelles passeraient toutes les innovations en entreprise : le "signal de départ", le "sommet des attentes exagérées", le "creux de la désillusion", la "remontée de l'éclaircissement" et enfin le "plateau de la productivité".


Ce modèle est utilisé ici pour opposer deux modes de recherches sur les pratiques de l'innovation technologique en didactique des langues-cultures. La très grande majorité des recherches publiées est réalisée sur des innovations nouvelles tant du point de vue technologique que de leur exploitation pour l'enseignement-apprentissage (cf. le sigle "NTICE", "Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication pour l’Éducation"), c'est-à-dire pendant la phase des attentes exagérées. Ces recherches se font en mode expérimental, c'est-à-dire de manière limitée et ponctuelle, dans des conditions favorables - ne serait qu'en raison du degré élevé de motivation et d'investissement des participants enseignants et des apprenants -, et avec comme objectif de tester les résultats d'une exploitation systématique et maximale des innovations : autant de caractéristiques qui éloignent fortement les pratiques expérimentales des "pratiques ordinaires" de l'innovation dans les conditions nécessaires à la généralisation et à la pérennisation de celle-ci. .


Cet article plaide pour plus de recherches sur les "pratiques ordinaires des innovations technologiques", celles qui se situent sur le "plateau de la productivité". À ce niveau-là, les nombreux enseignants ont dû intégrer ces innovations dans l'ensemble de leur système méthodologique personnel, et pour cela le restructurer en conséquence.

 

Mais contrairement à ce que prévoit le modèle du Hype Cycle, (1) le rythme des innovations est tel, actuellement, que les expérimentateurs peuvent se maintenir en permanence sur ce qui est en réalité non pas un « sommet », mais un « haut-plateau des attentes exagérées » ; et (2) le « plateau de la productivité » est en pente non pas ascendante, du moins en didactique des langues-cultures, mais descendante, mon hypothèse étant que, au moins en didactique des langues-cultures « la décroissance de la productivité d’une innovation dans le temps est fonction de sa généralisation ».


Addendum en date du 15 juin 2018

 

L'Expresso du 15 juin 2018 du site du Café pédagogique publie l'interview d'un enseignant en collège, interrogé sur ses pratiques d'Éducation morale et civique en pédagogie inversée. Le chapeau de présentation, signé de François Jarraud, se termine par cette phrase :

 

D'autres projets solidaires ou des enquêtes sur les sondages rythment aussi l’année scolaire de cet enseignant "qui expérimente de plus en plus".

 

Cette expression entre guillemets, qui reprend une idée exprimée par l'interviewé, mérite d'être questionnée. Plus d'expérimentation, en effet, se fait forcément au détriment des "pratiques ordinaires" et en détachant l'expérimentation de son objectif naturel, qui est sa validation en tant que possible "pratique ordinaire". Et elle produit sans doute comme effet de maintenir cet enseignant, pour reprendre une  autre expression que je propose dans mon article (p. 4) "sur le haut-plateau des attentes exagérées". A moins que cela ne soit précisément l'objectif visé, de manière plus ou moins consciente.


Nouvelle version en date d'avril 2018

 

Cette nouvelle version ajoute en pages 3-4 un graphique montrant l'évolution des modes managériales entre 1970 et 2006, extrait d'un article de ZERBIB Romain et TAPHANEL Ludovic, « Qu’est-ce qu’une mode managériale ? », ainsi que son commentaire. On lira aussi avec intérêt, dans cet article, ce que les auteurs proposent comme « les quatre critères de la mode », qui me semblent s’appliquer aux modes en didactique des langues-cultures.

 

Note complémentaire en date du 20 octobre 2018

 

On lira aussi avec intérêt un article de Romain Zerbib (Enseignant-Chercheur HDR en Stratégie) sur le site Theconversation.com, intitulé "Les modes managériales existent-elles vraiment ?" (mise en ligne 11 octobre 2018, dernière consultation 19 octobre 2018). Comme le titre de son article le laisse penser, l'auteur met en doute l'impact réel des modes managériales pour deux raisons, qui me semble tout à fait transférables, au moins au titre d'hypothèses de recherche, aux modes en didactique des langues-cultures:

 

1) Ces modes en restent souvent à de simples effets d'annonce dans les entreprises. De même, elles peuvent être citées dans les discours de la formation et de la recherche en didactique des langues-cultures, selon un type de relation que j'appelle, dans mon schéma du "système général de la recherche" https://www.christianpuren.com/mes-travaux/2015a/ , de "mobilisation rhétorique".

 

2) En didactique des langues comme dans les entreprises, les modes, lorsqu'elles sont adoptées, parviennent malgré tout à produire des effets réels, mais très différents selon les cultures en place : "La mode en question hybride avec d’autres pratiques internes, donnant ainsi lieu à de nouveaux usages originaux."