Trois formes de perception prioritaire de l'interculturalité : les différences, les ressemblances et les communs

Dans un article intitulé "Pourquoi prenons-nous parfois les robots pour des humains" publié le 29 août 2022 sur le site TheConversation.com, l'auteur, chercheur à l'Istituto Italiano di Tecnologia de Gênes, écrit :

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Une récente étude nous avons montré que [...] des participants coréens/japonais et allemands/états-uniens attribuaient le même niveau de capacités cognitives, émotionnelles et intentionnelles à un robot, mais au travers de processus sociocognitifs sensiblement différents.

 

Pour les participants coréens et japonais, l’important est de constater le partage d’une caractéristique commune avec le robot à juger. La logique est la suivante : puisque nous partageons une essence, une « quiddité », alors nous partageons peut-être des capacités cognitives, émotionnelles ou intentionnelles. Le résultat est un anthropomorphisme du robot basé sur la constatation de ressemblances.

 

Les participants occidentaux se comparent en fait avec le robot. Plus le robot est considéré comme éloigné de l’observateur, moins il est considéré comme possédant des capacités cognitives, émotionnelles ou intentionnelles. Ici, on serait plus proche d’un « égomorphisme » basé sur la recherche de différences, c’est-à-dire l’attribution au robot des caractéristiques du prototype de ce qui définit un humain… ce prototype étant l’observateur lui-même.

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Il serait intéressant de vérifier - c'est une hypothèse vraisemblable - si les mêmes mécanismes cognitifs différents s'exercent dans le cas d'un autre type de reconnaissance, celle des humains vis-à-vis d'autres humains. C'est-à-dire, concrètement, de vérifier si l'interculturel, qui est en Europe le domaine de la reconnaissance des différences (l'une des finalités de l'éducation interculturelle dans l'enseignement des langues en Europe est  le respect des différences) n'est pas plus orienté en Asie vers la reconnaissance des ressemblances.

 

Ce n'est peut-être pas un hasard si l'un des philosophes très connus qui mettent actuellement l'accent sur le thème des "communs", François Jullien, est un sinologue français qui propose avec ce concept de dépasser l'alternative entre différences et ressemblances : pour lui, l'important est ce que l'on partage avec les personnes d'autres cultures. L'avantage à ses yeux des "communs" par rapport tant aux "ressemblances" qu'aux "différences" est qu'ils ne mettent pas en jeu les identités, et donc permettent d'évlter le culturalisme. Cf. mon billet de blog en date du 20 décembre 2016 à propos d'un nouvel ouvrage de F. Jullien intitulé Il n'y a pas d'identité culturelle (Éd. de l’Herne, 2016), dont un résumé est repris sur la page de téléchargement de mon "modèle complexe de la compétence culturelle", 2011j.