Cours "Méthodologie de la recherche en DLC"



Chapitre 5 : "Mettre en œuvre ses méthodes de recherche"

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Chapitre 5 : "Mettre en œuvre ses méthodes de recherche"
Cours "Méthodologie de la recherche en didactique des langues-cultures". Chapitre révisé en 2013, liens vérifiés en 2022.
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 Lectures complémentaires conseillées sur ce site

 

- "Quel(s) type(s) de recherche pour améliorer l'enseignement-apprentissage ?". Billet de mon Blog-Notes en date du 21 janvier 2014. Je présente là quelques réflexions suscités que m'a suscitées la lecture d'un très intéressant dossier de l’Institut Français de l’Éducation (IFÉ), rédigé par Olivier REY et publié en ligne en janvier 2014, intitulé "Entre laboratoire et terrain : comment la recherche fait ses preuves en éducation ?" Je me déclare en total accord, en particulier, avec cette remarque de l'auteur:

Éviter les effets hiérarchiques d’une vision applicationniste pourrait consister à ne plus considérer qu’il y a une seule façon de faire de la recherche, avec une version noble et une version dégradée, mais plutôt différents types d’enquêtes légitimes. Les recherches en éducation pourraient ainsi être définies comme un ensemble d’activités scientifiques qui se distribuent sur un continuum allant de l’investigation guidée par la théorie universitaire jusqu’à l’investigation induite par les pratiques éducatives, ceci incluant une multitude de modèles de recherche explicitement conduits dans, avec et/ou pour la pratique. (p. 21)

 

- "A propos du traitement des données documentaires dans la recherche en DLC". Billet de mon Blog-Notes en date du 7 janvier 2016. Suite à la question d'un étudiant, j'explique concrètement la méthode d'analyse personnelle que j'utilise à partir des données recueillies, qui se trouve être très semblable à celle que proposent HUBMERMAN et MILES dans leur ouvrage de 1991, Analyse des données qualitatives (trad. fr. De Boeck-Wesmael s.a., coll. « Pédagogies en développement. Méthodologie de la recherche », Bruxelles, 480 p.). J'avais présenté cette méthode, de manière trop abstraite et trop succincte sans doute, au chapitre 5 de mon cours "Méthodologie de la recherche en DLC".

 

Plus largement sur les différentes méthodes que j'utilise personnellement dans mes recherches, voir mon essai Théorie générale de la recherche en DLC (2015a), et, sur la page de téléchargement de ce fichier, l'Addendum en date du 28 mars 2019 à propos de "l'analyse par théorisation ancrée" proposée par le sociologue Pierre PAILLÉ.


A propos du "croisement des sources"

 

La complexité des questions de recherche en DLC, qui sont toutes de ce fait des "problématiques", impose le croisement des sources, que certains appellent la "triangulation".

 

Sur son blog, Stéphane Martineau, Professeur en sciences de l'éducation à l'Université du Québec à Trois-Rivières, propose une typologie des types de triangulation tout-à-fait valable pour la recherche en DLC:

 

1- la triangulation théorique qui consiste à utiliser plus d'une perspective théorique pour analyser les « données »;

2- la triangulation des outils de cueillette qui renvoie au fait de faire usage de plus d'un outil (par exemple, utiliser des entrevues, des observations, de l'analyse de documents);

3- la triangulation des chercheurs où la recherche a recours aux points de vue de plus d'un chercheur;

4- la triangulation des sources qui signifie que les données sont recueillies auprès de plusieurs sources différentes;

5- enfin, la triangulation « écologique » où les analyses et les interprétations sont soumises à la vérification auprès des sujets participants à la recherche.

(mis en ligne le 22/02/2012, consulté le 26/03/2019)

 

S. Martineau a publié aussi un post présentant l'entretien compréhensif (mis en ligne le 24/02/2012, consulté le 26/03/2019)

 

Je rajouterais volontiers à celle liste de S. Martineau la "triangulation méthodologique", qui chaque méthode utilisée permettant de croiser plusieurs des triangulations ci-dessus. On en trouvera un exemple concret de mise en oeuvre dans l'article suivant:

 

2017f. "Approche globale et compréhension globale des documents en didactique des langues-cultures : de la méthodologie traditionnelle à la perspective actionnelle".

 

Extrait du résumé :

 

Cette étude mobilise les méthodes historique et comparative ainsi que deux outils déjà présentés et utilisés par ailleurs: l'analyse microméthodologique (2011k) et le modèle des logiques documentaires (2012j). Son dernier chapitre ébauche un programme de recherche sur l'approche et la compréhension globales telles qu'elles doivent être revisitées dans une perspective actionnelle.

20/04/2019


Concernant la "méthode documentaire"

 

Le site Thèses.fr liste l'ensemble des thèses de doctorat soutenues en France depuis 1985, avec un moteur de recherche performant, qui permet entre autres de connaître les thèses disponibles en ligne.

Il est possible de demander par exemple "didactique du français langue étrangère", "didactique de l'espagnol", "didactique de l'interculturel", etc.


Concernant la "recherche-action"

 

Dans ce Chapitre 5, j'explique que l'appellation de "recherche-action" qui tend à se diffuser parmi les didacticiens de langue-culture au prétexte que toute recherche en didactique vise une action d'amélioration du processus d'enseignement-apprentissage, me paraît personnellement abusive.

 

- Je partage les idées exprimées par Jean-Pierre FRAGNIÈRE dans son ouvrage intitulé Comment réussir un mémoire? Choisir son sujet. Gérer son temps. Savoir rédiger (5e édition, Paris : Dunod, 2016, 144 p.), dans une "Note sur la recherche-action":

 

 

Il est une forme de recherche, hélas trop peu pratiquée, qui obéit à des règles particulières que je voudrais brièvement rappeler : c’est la recherche-action. De quoi s’agit-il ? C’est une démarche de recherche qui s’est développée sur la base d’une contestation des formes « traditionnelles » de recherche, d’une critique de l’utilisation des sciences sociales comme instruments de domination, d’une volonté d’intégrer les résultats de la recherche dans l’action sociale. La recherche-action n’est pas ce qu’on appelle une recherche appliquée ; celle-ci s’attache sans doute à résoudre des problèmes concrets, (mais) la recherche-action se propose d’établir un nouveau rapport entre théorie et pratique.

Sur le plan épistémologique, la recherche-action renvoie à un processus de connaissance orienté vers l’émancipation des chercheurs et des sujets (on désigne par sujet les personnes ou groupes sur lesquels porte la recherche).

 

La recherche-action implique que soit défini un but commun aux chercheurs et aux sujets. À ce propos, Lewin, le promoteur de la recherche-action, écrivait : « Le chercheur et les sujets de la recherche cheminent ensemble vers la connaissance. » 

Il importe aussi que soit défini un champ commun aux chercheurs et aux sujets ; ceux-ci n’étant donc pas définis par leur appartenance à une catégorie sociale, mais par leur présence dans un champ d’interactions concret où il convient de former un consensus. À l’intérieur de ce champ doit être constituée la conscience d’un problème commun qui doit faire l’objet d’un traitement. Il faut en outre que les personnes qui seront sujet de la recherche et ceux qui conduiront l’action au terme de celle-ci soient au moins partiellement identiques.

 

La recherche-action implique aussi que soient réunies un certain nombre de conditions qui caractérisent la communication entre ses divers protagonistes. Il convient d’établir une communication symétrique (égalité de droits et de chances, malgré l’inégalité de ressources et/ou de connaissances). Il faut assurer que soit garantie une distribution du savoir à tous les partenaires, en évitant les monopolisations. Ainsi doit être abolie la relation sujet/objet entre les chercheurs et ceux que l’on appelle traditionnellement les objets de la recherche. Une certaine empathie critique doit remplacer une méfiance généralisée. Une compréhension dynamique et autonome doit réunir tous les partenaires.

Enfin, il est essentiel d’assurer une adéquation de la recherche aux problèmes posés. Cela peut signifier que les partenaires, tout en garantissant leur autonomie et l’égalité de leurs chances, s’attachent à résoudre leurs problèmes en tenant compte le plus possible de la problématique spécifique négociée au départ, cela bien sûr, en tenant compte du contexte historique.

 

Ainsi, la recherche-action réduit la distance entre la théorie et la pratique, au sens où la découverte scientifique et l’utilisation des résultats se trouvent réunies dans une même activité. La recherche-action permet de limiter l’asymétrie entre les chercheurs et les sujets de la recherche ; elle peut même garantir aux sujets de la recherche un véritable contrôle de la problématisation, du processus de recherche et de la gestion des résultats. Dans ces conditions, la recherche-action exige que soit pratiquée une évaluation objective qui porte sur trois axes : les interactions qui se sont produites dans le processus de recherche, les transformations qui sont apparues dans ce champ de recherche et les conditions structurelles qui ont permis le déroulement de la recherche ou qui l’ont entravée. Une telle procédure d’évaluation permet de mesurer « l’objectivité » de la recherche au sens où sont prises en considération aussi bien les découvertes théoriques que l’efficacité de la recherche par rapport à son projet d’apporter des solutions aux problèmes retenus . (pp. 37-39)

 

- Une note d'information de mars 2018 de l'IFÉ (Institut Français d'Éducation) annonce comme thème d'un colloque portant sur la recherche en éducation dans les ESPE (Écoles Supérieures du Professorat et de l'Éducation) les "projets de recherche, de recherche–intervention et de recherche impliquée dans les différents champs des disciplines contributives aux apprentissages". Contrairement à ce que je suggère dans les pages 29-30 de ce Chapitre 5, cette appellation de "recherche-intervention" me semble préférable à celle de "recherche-action" lorsqu'il s'agit d'une recherche en didactique des langues-cultures conduite par un chercheur seul, comme c'est presque toujours le cas pour les mémoires de master ou les thèses) sans la participation active d'un groupe d'enseignants, voire sans être à l'initiative d'un groupe d'enseignants que le chercheur ne fait qu'accompagner.

 

- Voir aussi mon billet de Blog-Notes en date du 25 octobre 2018, "De l'expérimentation à la généralisation : l'exemple de la mise en œuvre des résultats des recherches cognitives sur l'enseignement de la lecture-décodage". J'y commente un article intitulé "Du labo à l'école : le délicat passage à l'échelle" d'Édouard Gentaz, professeur en Psychologie du développement à l'Université de Genève, publié en septembre 2018 sur le site www.larecherche.fr. Il y propose un type hybride de recherche, mi recherche-application, mi recherche-action, qu'il appelle "recherche interventionnelle", qui est a priori cohérent avec la problématique générale qu’il aborde, celle du passage de l’expérimentation à la généralisation, puisque la recherche-application relève du laboratoire, et la recherche-action de l'école. J'ai repris, développé et exemplifié l'idée de ce type de recherche dans un article intitulé "La 'recherche interventionnelle' au service de la généralisation et pérennisation des réformes institutionnelles : le cas de la réforme en cours de l’enseignement des langues en Algérie" (2019c).



Remarque annexe à l'attention des étudiants en recherche,

et des directeurs de recherche.

 

Il est serait sans doute intéressant de croiser le modèle des types de recherche que je propose en page 3 de ce Chapitre 5 avec des modèles de "styles d'apprentissage", dont on peut penser qu'ils correspondent aussi aux styles des apprentis-chercheurs.

 

L'un des modèles les plus connus est celui de David Kolb (Experiential Learning. Experience as The Source of Learning and Development, Prentice-Hall Inc., Englwood Cliffs, New Jersey, 1984), dont on trouvera sur Internet des dizaines de schémas , avec leurs commentaires (rappel pour les étudiants: pour s'assurer une approche correcte, privilégiez systématiquement, au moins au début, les documents hébergés sur des sites universitaires ou autres institutions reconnues...).

 

D. Kolb a repéré des "styles d'apprentissage" (on dit souvent aussi, en didactique des langues-cultures, des "types d'apprenants"), qui correspondent à des stratégies privilégiées:

 

Source: Henri Boudreault, professeur à l'UQAM, https://didapro.wordpress.com/category/environnement-didactique/page/3/ (consulté 22/01/2014)
Source: Henri Boudreault, professeur à l'UQAM, https://didapro.wordpress.com/category/environnement-didactique/page/3/ (consulté 22/01/2014)

 

Mais un apprenant efficace est celui qui peut enchaîner les différentes opérations et les stratégies correspondantes :

Source: Source: Conseil RH (Ottawa (Ontario), http://hrcouncil.ca/info-rh/apprentissage-apprennent.cfm (consulté 22/01/2014)
Source: Source: Conseil RH (Ottawa (Ontario), http://hrcouncil.ca/info-rh/apprentissage-apprennent.cfm (consulté 22/01/2014)

 

Si l'on croise ce modèle avec celui que j'ai proposé pour les types de recherche dans ce chapitre du cours "Méthodologie de la recherche", on peut faire immédiatement les remarques suivantes :

 

- Le "raisonnement" (conceptualisation abstraite) est le passage obligé le plus important: dans la recherche universitaire : il est même constamment relié directement à chacune des autres activités ; c'est pourquoi la "modélisation", qui correspond à la "conceptualisation abstraite" de Kolb, est en position centrale dans mon schéma des types de recherche.

 

- L'observation réflexive "sous différents angles" est elle aussi fondamentale pour la recherche en didactique des langues-cultures, la complexité de tous ses objets exigeant des approches réflexives plurielles.

 

- La "mise en pratique-assimilateur" d'un côté, l'"expérimentation-accommodateur" de l'autre, ont des similitudes avec le couple connu "assimilation" / "accommodation" de Piaget, dont je rappelle la définition : l'assimilation consiste à interpréter les nouveaux événements à la lumière des schèmes de pensée déjà existants; l’accommodation est le processus inverse, consistant à modifier sa structure cognitive pour intégrer un nouvel objet ou un nouveau phénomène.

 

La recherche-application, dans mon schéma, a des similitudes avec l'assimilation (on s'appuie sur une compréhension préalable pour intervenir sur la réalité) ; la recherche-expérimentation avec l'accommodation (on cherche à l'inverse, par une intervention sur la réalité, à obtenir une meilleure compréhension). 

 

Je ne suis pas sûr que l'on puisse utilement aller plus loin dans le croisement des deux types de modèles, celui de Kolb et le mien, la logique d'élaboration de l'un et de l'autre étant assez différente. Mais je suis certain que les objets et les méthodes plus ou moins consciemment privilégiés par un chercheur, qu'il soit débutant ou confirmé, le sont parce qu'ils correspondent profondément à son profil cognitif : chacun accorde spontanément une place singulière au concret par rapport à l'abstrait, à la compréhension par rapport à l'action, à lui-même en tant que sujet par rapport à son objet de recherche, ou encore au risque par rapport à la sécurité, pour me limiter à quelques "types" de jeunes chercheurs qui me viennent immédiatement à l'esprit. Et je suis certain, aussi, que la prise de conscience de ses stratégies ne peut qu'être bénéfique pour mieux concevoir et conduire sa recherche.


"À propos des nécessaires approches multi- et pluriméthodologiques, dans la recherche en didactique des langues-cultures comme dans leur enseignement"

 

Je signale le billet de Blog ainsi intitulé que j'ai publié le 21 novembre 2020. J'y propose de distinguer entre l'approche multiméthodologique (on utilise soit une méthode, soit une autre, soit les deux successivement) et pluriméthodologique (on utilise simultanément plusieurs méthodes, on les "croise", aussi bien dans l'enseignement que dans l'enseignement).

 

Dans la plupart des recherches, "croiser les recherches" consiste à utiliser séparément chacune, puis de confronter les résultats obtenir par les unes et les autres ("méthodologie mixte"). Il est plus difficile, mais peut-être plus fécond, de jouer la complémentarité des méthodes de recherche au niveau même de leur conception ou du moins de leur mise en œuvre.

(Note du 22/11/2020)