Le titre de ce billet reprend textuellement celui d'un article Nadia-Yin Yu, professeure de management, "Quand la transformation numérique vire au fiasco : le facteur humain ignoré", TheConversation.com, 28 avril 2025.
Ce titre annonce déjà le constat qu'elle tire de sa recherche sur deux études de cas (une organisation policière et une université, en Asie), et son interprétation: 75% des projets d'innovation numérique échouent, en raison d'"une sous-estimation des réactions humaines face au changement". Or "les nouveaux outils numériques [...] viennent souvent perturber les routines des employés, suscitant de l'incompréhension, du stress, voire du rejet". On se sera pas étonné, en tant qu'enseignant ou didacticien, de lire que :
les deux études de terrain confirment qu’il n’existe pas de recette unique pour réussir l’implémentation d’une nouvelle technologie. Tout dépend du contexte d’usage, du moment dans le processus et de la manière dont les utilisateurs sont accompagnés.
L'auteure analyse les problèmes qui surgissent dans les différentes phases de ces projets, en distinguant le cas où la direction impose l'innovation, de celui où les employés sont libres de l'adopter ou non. Dans les deux cas, « des formations avaient été proposées, accompagnées de temps d'échange et d'améliorations techniques successives. »
En ce qui concerne les innovations technologiques dans le cadre de l'Éducation nationale française, où les innovations numériques ne sont pas en principe obligatoires, je passe sur les formations, qui y sont insuffisantes, et sur les « temps d'échange et d'améliorations techniques successives », qui supposeraient que les projets soient menés collectivement et accompagnés, ce qui y est l'exception. Ce qui nous intéresse particulièrement ici, ce sont donc les conclusions portant sur les cas d'innovation volontaire, pour lesquels l'auteur constate que « l'approche doit être différente ». Ces conclusions sont les suivantes:
- La participation et la transparence sont prioritaires quand l’adoption repose sur un choix individuel.
- Les utilisateurs ont besoin de sentir qu’ils gardent le contrôle. Leur engagement passe alors par la participation en amont, la clarté des bénéfices et une mise en œuvre perçue comme juste et respectueuse. Ici, l’adaptation est plus individuelle, portée par le sens que chacun donne à la technologie dans son propre cadre de travail ou d’étude.
- C’est la facilité d’usage initial qui influence davantage l’adoption.
Dans leurs réflexions sur les conditions du passage de l'innovation au changement dans l'Éducation nationale française, autrement dit du passage des expérimentations ponctuelles à la transformation durable des pratiques ordinaires (cf. 2016d), les responsables et les formateurs auraient tout intérêt à tenir compte de ces conclusions.
Christian Puren