Je viens de publier, comme annoncé, l'article suivant:
2013j. "Un rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale sur l’évaluation des enseignants, ou le syndrome du réverbère". Analyse critique de : L’évaluation des enseignants. Rapport n° 2013-035 à Monsieur le ministre de l’Éducation nationale, avril 2013. Brigitte DORIATH, Reynald MONTAIGU, Yves PONCELET, Henri-Georges RICHON, Inspecteurs généraux de l’éducation nationale.
Résumé
Cette longue analyse (35 pages pour un rapport de 58 pages) présente dans une première partie la stratégie utilisée par les auteurs au service de leur objectif principal, qui est de défendre la visite individuelle d'inspection des enseigants telle qu'ils la conçoivent, de manière très traditionnelle, avec une double fonction sommative et formative et dans une perspective très hiérarchique et normalisatrice. A cet effet, ils mettent l'accent sur les critiques concernant les autres éléments du "système global" d'évaluation des enseignants (dans lequel entrent aussi les bilans les individuels et collectifs, l’évaluation administrative, la notation, les promotions et la formation continue); ils écartent la question des modalités différentes d'évaluation de l'enseignement plus modernes et innovantes (l'évaluation collective et l'auto-évaluation); enfin, ils gèrent leurs sources documentaires (références bibliographiques et citations) à leur convenance, sans aucun respect des normes universitaires, alors même qu'ils affirment s'appuyer sur la recherche.
La seconde partie analyse la manière dont les auteurs conçoivent leur coeur de métier, à savoir l'observation d'une séquence individuelle d'enseignement. Ils proposent pour son évaluation une "trame" (un schéma de classe) présenté à la fois comme leur modèle d'inspection et le modèle d'enseignement le plus efficace, qu'ils présentent comme des "acquis" de la recherche faisant consensus parmi les chercheurs, sans jamais citer le moindre auteur à l'appui de leurs affirmations.
Cette analyse débouche sur deux conclusions:
1) "La conception que les auteurs de ce rapport ont de leur métier d’inspecteur et du métier des enseignants est à mille lieues des exigences de l’innovation, de la recherche et des standards internationaux. L’écart entre ces exigences et le modèle de séquences de classe qu’ils proposent ici est véritablement grotesque."
2) Depuis quelques mois, le ministre Vincent Peillon incite fortement les inspecteurs (IG, IPR-IA et IEN) à s'investir dans la formation pédagogique et didactique des enseignants-stagiaires de 2e année d'ÉSPÉ. Or, étant donné l'effet de modélisation très fort du modèle d'inspection sur les attentes des étudiants stagiaires de 2e année d'ÉSPÉ et sur les pratiques de formation des tuteurs de terrain, "la participation directe des inspecteurs à la conception des modules de formation en ÉSPÉ et d’une participation sur la base des conceptions que les auteurs de ce rapport ont d’une "séquence d’enseignement efficace", est pour la formation de ces enseignants-stagiaires l’assurance d’un scénario catastrophe."
Ce que montre ce rapport à tous points de vue lamentable, c'est qu'il ne pourra pas y avoir de refondation de l'école sans refondation de l'inspection.
Christian Puren