Le site du Café pédagogique du 26 juin 2025 a publié cet excellent texte de Stéphane Germain. Tous les éléments de description et de critique qu'il mobilise sont bien connus, mais il en fait une très bonne synthèse avec mise en cohérence de l'ensemble. Ces marqueurs discursifs sont "le retour aux fondamentaux", le modèle assumé de la compétition, la délégitimation des enseignants, l'instauration d'une bureaucratie autoritaire, la marchandisation de l'éducation.
La seule réserve que j'ai vis-à-vis des idées exprimées par l'auteur - mais il se trouve qu'elle est décisive en ce qui concerne la discipline Didactique des langues-cultures -, c'est sa référence au Conseil de l'Europe parmi les institutions internationales dont les stratégies éducatives, basées sur une vision scientifique, contrediraient le discours des populistes mais serait ignorées ou détournées par eux. Or le CECR - non seulement dans ses effets sur l'enseignement des langues, mais dans sa conception et ses objectifs mêmes - mérite largement les critiques formulées par l'auteur: rédaction par des experts avec un simulacre de consultation démocratique, scientisme assumé, mise en avant d'un outil d'évaluation censé mesurer "objectivement" les compétences langagières des élèves, rédaction contrôlée par des organismes privés à but lucratif (cf. par ex. Maurer & Puren 2019d, Puren 2015f). L'auteur ignore d'ailleurs plus généralement les nombreuses critiques idéologiques, certaines fort crédibles, adressées à l'approche par les compétences qu'il défend, alors même qu'il critique l'influence de la logique de l'entreprise privée, forte consommatrice de cette approche. L'adossement de l'enseignement des langues au CECR, opéré par l'Education nationale française, n'a d'ailleurs en rien gêné sa tradition de verticalité hiérarchique et autoritaire.
Bref, ma conclusion personnelle est encore plus pessimiste que celle de Stéphane Germain: si, comme il le dénonce justement, "les systèmes éducatifs sont en train d'opérer leur bascule vers le modèle éducatif national populiste", c'est que, pour ce qui est de l'enseignement des langues étrangères dans le système scolaire français, en tout cas, certaines composantes de sa culture institutionnelle sont directement réutilisables, sans aucun recyclage, de la bureaucratie au populisme.
Christian Puren, 26 06 2025